SOLEIL, « J’invite à la plus grande vigilance »

Chaque année courant mai a lieu la semaine de prévention et de dépistage des cancers de la peau. L’occasion d’être examiné gratuitement par un dermatologue. Les détails avec Nathalie Sultan, dermatologue et présidente de l’association Mission Soleil Réunion.

NATHALIE SULTAN est dermatologue au centre hospitalier Ouest Réunion et préside l’association Mission Soleil Réunion (MiSolRé, missionsoleilreunion.com) avec laquelle elle mène chaque année de nombreuses actions de sensibilisation dans les écoles de l’île (« plus d’une centaine cette année »), avec l’appui de l’ARS et du rectorat notamment. Elle forme aussi des médecins généralistes et des pharmaciens au dépistage des lésions cutanées. Et elle plaide pour que les cancers de la peau soient reconnus comme maladie professionnelle.

COMMENT PEUT-ON BÉNÉFICIER D’UN DÉPISTAGE GRATUIT ?

Nathalie Sultan  : Durant la semaine de prévention, il suffit de se présenter à l’un des lieux d’accueil prévu à cet effet, répartis partout dans l’île, pour être pris en charge par un dermatologue bénévole. Cette opération organisée depuis 1998 par le syndicat national des dermatologues vénéréologues (SNDV), et soutenue par le ministère de la Santé, remporte toujours un franc succès.

EN QUOI CONSISTE LA CONSULTATION ?

N. S.  : Le dermatologue opère un examen complet de votre peau, du cuir chevelu aux orteils, à l’œil nu et à l’aide d’un appareil appelé dermatoscope. S’il identifie un grain de beauté suspect ou une lésion douteuse, pigmentée ou non, il vous remet alors une carte avec les conclusions de l’examen clinique en vue d’une prise en charge par un confrère, pour de l’observation ou une ablation sous anesthésie locale, et il vous explique comment vous autosurveiller. Une analyse en laboratoire est ensuite pratiquée pour confirmer ou infirmer la présence de tumeur cancéreuse.

POURQUOI SE FAIRE DÉPISTER EST-IL ESSENTIEL ?

N. S.  : La détection précoce d’un cancer de la peau augmente singulièrement les chances de guérison. Le mélanome «  malin  », le cancer cutané le plus grave, peut être guéri presque systématiquement s’il est repéré tôt(1). Quant aux carcinomes basocellulaires et épidermoïdes, si ces cancers cutanés sont rarement mortels, ils n’en demeurent pas moins très dangereux pour la santé. Or, selon les derniers chiffres connus, le nombre de mélanomes et de carcinomes est en très forte augmentation à La Réunion. Chaque année désormais, nous dépistons et soignons des milliers de carcinomes basocellulaires, plus de huit cents carcinomes épidermoïdes qui peuvent métastaser (4 % des cas) et plus d’une centaine de mélanomes (leur nombre a été multiplié par cinq en dix ans sur l’île !).

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS L’EXPLOSION DU NOMBRE DE CANCERS CUTANÉS ?

N. S.  : Ici, le soleil est omniprésent et les index UV varient de « fort » ou « élevé » (6-7), à « extrême » l’été (plus de 11 et jusqu’à 14 en moyenne  !). Au-delà de 11, il faut savoir que «  toute exposition au soleil est dangereuse  ». Pourtant, on s’expose davantage qu’autrefois aux heures chaudes, entre 10 h et 14 h, plus longtemps et avec une protection souvent mal adaptée. Lorsque l’index dépasse les 11, il faudrait être couvert des pieds à la tête, sans oublier les lunettes de soleil, car les UV ont également des effets dévastateurs sur les yeux. Et cette recommandation vaut que l’on soit à la plage ou en randonnée, mais aussi dans son jardin ou sur son lieu de travail si celui-ci suppose du temps passé à l’extérieur.

PEAUX CLAIRES OU FONCÉES : MÊME COMBAT ?

N. S. : Les peaux foncées présentent moins de risques que les peaux claires, mais elles restent à risque ; nous soignons aussi des carcinomes et des mélanomes sur les peaux foncées. J’invite donc tout le monde à la plus grande vigilance.

QUE FAIRE POUR LEVER LE DOUTE SUR UN GRAIN DE BEAUTÉ DOUTEUX ?

N. S.  : Il faudrait consulter son dermatologue sans attendre, si un rendez-vous peut être obtenu rapidement, ou son médecin traitant dans le cas contraire. Un grand nombre de médecins généralistes savent reconnaître une lésion bénigne de la peau ; ils peuvent rassurer le patient s’il n’y a rien d’alarmant ou, en cas de doute, contacter directement un dermatologue libéral ou hospitalier pour une consultation rapide. Vous pouvez aussi solliciter votre pharmacien ou tout autre praticien formé pour dépister les cancers de la peau, comme un kinésithérapeute. Là encore, en cas de doute, ils renverront vers le médecin traitant ou un spécialiste.

AUTO-EXAMINEZ-VOUS !
Il est vivement conseillé de s’auto-examiner tous les trois à quatre mois. Voici comment grâce à la méthode ABCDE :

A Asymétrique : une tache douteuse
est asymétrique.
B Bords : elle présente des bords
irréguliers.
C Couleur : elle a une couleur non
homogène ou plusieurs couleurs.
D Diamètre : elle a un diamètre
supérieur à 6 mm.
E Évolution : elle évolue rapidement (critère majeur de l’autosurveillance).

Si trois critères sont réunis, consultez sans tarder.
À noter : un grain de beauté suspect n’est pas douloureux.

(1) « Aujourd’hui, en France, le taux de survie cinq ans après un diagnostic de mélanome est de 87 % (83 % chez les hommes, 89 % chez les femmes). » (Vidal.fr)

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