Aux racines du bien : Innover pour mieux soigner

Des « plantes à traire » ! Si le nom prête à sourire, cette technologie peu banale est celle qui permet à PAT Zerbaz, une start-up implantée à Bassin-Plat (Saint-Pierre), de tirer le meilleur de la flore réunionnaise. Et de ses racines tout particulièrement. Son ambition ? Fournir directement les laboratoires pharmaceutiques et les grands noms de la cosmétique !

Européenne, d’outre-mer, chinoise, ayurvédique…  Depuis quelques années déjà, les médecines traditionnelles sont très prisées, notamment à La Réunion. Celles-ci reposent sur l’utilisation, partielle ou totale, de plantes dites « médicinales », aux propriétés médicamenteuses reconnues et recensées dans la Pharmacopée française, le répertoire officiel qui ras-semble à ce jour quelques 600 espèces, dont 25 issues de la flore réunionnaise.
Mais une start-up saint- pierroise va et voit plus loin !

Chez PAT Zerbaz, on ne se contente pas d’étudier les plantes médicinales, on cible toutes les espèces présentes sur le sol réunionnais, endémiques ou non. « La Réunion est un hotspot de la biodiversité mondiale, avec notamment plus de 800 espèces endémiques connues. Et c’est sans compter es sous-espèces », souligne d’emblée Henri Beaudemoulin, le directeur de PAT Zerbaz. Au début des années 2010, Henri, dirigeant de la société horticole de Bassin-Plat, rencontre deux entrepreneurs lorrains. Une rencontre qui ouvre de nouveaux horizons à cet ingénieur agronome de formation. « Leur start-up, PAT (pour Plant Advanced Technologies), développait une nouvelle technologie brevetée :

les Plantes à traire (ce qui fait PAT également), se souvient-il. J’ai rapidement été séduit, car les perspectives étaient intéressantes, en matière de recherche mais aussi de commercialisation. »

INNOVER POUR MIEUX SOIGNER

Des plantes à traire ? Étrange concept… Et pourtant !Cultivées sous serres en aéroponie, c’est-à-dire hors sol, ces plantes offrent un accès direct aux racines. « Ce système permet de ne pas dégrader la plante en elle-même au cours des différentes phases de recherche, explique Henri. Surtout, les racines sont rarement étudiées alors qu’elles présentent pourtant des molécules inexplorées jusqu’alors. » Des molécules dont les vertus curatives potentielles intéressent grandement les laboratoires pharmaceutiques, les groupes de la cosmétique ou encore les industriels de l’agrochimie…
L’ingénieur horticole réunion- nais saisit cette opportunité, et fonde en 2015 PAT Zerbaz, la filiale péi de PAT. Une collaboration gagnant- gagnant : transfert de technologie et partenariat commercial dans un sens; accès direct à la biodiversité réunionnaise et production annualisée dans l’autre. Sur le site de Bassin-Plat, priorité est pour l’heure donnée à la recherche. « Notre travail consiste à (ex)traire des molécules originales contenues dans les racines, extrêmement difficiles à synthétiser chimiquement, et d’en déterminer les activités biologiques d’intérêt », tente de vulgariser Clément Walter, chercheur chez PAT Zerbaz. En clair, quelle application pharmaceutique ou cosmétique imaginer à partir de cette molécule inédite ? En effet, « les laboratoires de ces secteurs sont en permanence à la recherche de molécules, de vertus curatives et de procédés de fabrication innovants ».

A Saint-Pierre, une cinquantaine d’espèces nouvelles sont introduites chaque année. L’aéroponie permet, sur une superficie de culture réduite, d’obtenir des quantités de substance impossibles à collecter en milieu naturel, d’autant plus quand elle est concentrée dans les seules racines. Sur l’ensemble des espèces éprouvées, peu sont celles qui parviennent au bout du processus. Non traitées chimiquement, elles sont parfois la cible d’attaques parasitaires ou, tout simple-ment, ne supportent pas la culture hors-sol. D’autres encore résistent mal à la stimulation de leurs défenses immunitaires, destinée à favoriser la production massive de la molécule souhaitée. « Le taux d’échec est important, mais rappelons que seuls quelques milliers des 450 000 espèces connues sur la planète ont été jusqu’à présent exploitées, positive Clément Walter, chercheur chez PAT Zerbaz. Nous avons donc encore énormément de perspectives ! »

Chanel, Clariant, BASF… Les géants de la cosmétique se fournissent déjà chez PAT. Si la production d’extraits est pour l’instant centralisée en Lorraine, PAT Zerbaz entend maîtriser sa propre chaîne de bout en bout, de la graine à la distribution. Sa ligne de production est quasiment prête, et la distribution à grande échelle des extraits nés dans ses laboratoires devrait pouvoir débuter courant 2021.

C’est une première à La Réunion, annonce le dirigeant de PAT Zerbaz. Nous pourrons évidemment fournir les laboratoires cosmétiques locaux, qui se développent depuis quelques années maintenant. Toutefois, notre ambition est internationale !

Un projet TERRITORIAL ET ENCADRÉ

« PAT Zerbaz ne travaille pas dans son coin. Il s’agit d’un projet territorial intégré, où nous collaborons avec les acteurs institutionnels, tels que l’Université ou l’Armeflhor », insiste Henri Beaudemoulin. Les graines des jeunes pousses sont issues de la société horticole de Bassin-Plat, mais également de l’Armeflhor (Association réunionnaise pour l’amélioration des cultures et légumières de La Réunion) ou de distributeurs de pays du monde entier, dans le respect du Protocole de Nagoya. Cet accord international sur la biodiversité, adopté en 2010 à Nagoya (Japon), est un outil indispensable pour lutter contre la biopiraterie, c’est-à-dire l’appropriation illégitime des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles autochtones.